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12-01-2009 03:51:44  Vendée Globe 2009 : Merveilleuse Samantha

C'est fait... C'est ce dimanche matin que Samantha Davies a passé le Cap Horn, quittant les eaux dangereuses de l'océan Pacifique pour entamer la remontée de l'Atlantique vers les Sables-d'Olonne.

L'occasion de parler un peu de cette course mythique et impressionnante qu'est le Vendée Globe, et surtout de tirer un coup de chapeau à cette navigatrice hors du commun et particulièrement attachante wink2.

La course


Parcours Vendée Globe
Crédit : Vendée Globe
En 1968 a eu lieu une première course autour du monde en solitaire et sans escale, sur un parcours similaire (c'est à dire vers l'Est, en descendant dans l'océan Atlantique Nord, puis l'océan Atlantique Sud, en tournant à gauche pour passer le Cap de Bonne Espérance puis en faisant le tour de l'Antarctique, via l'océan Indien et l'océan Pacifique, avant de remonter dans l'océan Atlantique via le Cap Horn, dans le sens des vents dominants).

Et c'est en 1989 que Philippe Jeantot, avec l'aide du Conseil général de Vendée, a relancé cette course sous le nom de Vendée Globe.
Il s'agit donc d'une course autour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance (autre que la fourniture par le comité de course des prévisions météorologiques, et d'une assistance technique ou médicale par téléphone en cas de pépin). Elle est organisée tous les 4 ans, départ des Sables-d'Olonne début novembre, parcours ci-dessus (avec un certain nombre de "portes", points de passage obligatoires, pour éviter de descendre trop au sud et de rencontrer des icebergs).
Tous les concurrents utilisent un voilier équivalent par ses caractéristiques (classe Imoca 60 pieds, soit 18,28m en longueur, environ 5,50m en largeur, quille basculante, deux dérives latérales, voilure environ 300m2 au près et 600m2 au portant), mais évidemment la technique (matériaux composites par exemple) évoluant progressivement, les voiliers plus récents sont aussi plus performants.

Le Vendée Globe est devenu la course à la voile la plus réputée dans le monde. C'est également la plus difficile (surnommée "L'Everest de la mer") : même si grâce aux moyens technologiques actuels (radars, ordinateurs, pilotes automatiques, téléphones satellites, balises de détresse, etc..) on est bien loin du défi aventurier de 1968, la mer et les vents violents sont toujours là. Et soumis à ces conditions extrêmes pendant près de 3 mois (en particulier pendant la partie "centrale" de la course, les océans Indien et Pacifique, le "grand Sud"), le matériel souffre et casse souvent. Les navigateurs eux-mêmes doivent fournir un travail physique important et constant (surveiller la route en fonction des vents, changer de voile, faire eux-mêmes les réparations nécessaires, etc..), tout cela dans une mer avec des creux de 8 à 9 mètres et en ne dormant de manière fractionnée que quelques petites heures par jour...
Bref, on serait plus près de l'enfer que de la croisière d'agrément.. roll
Et d'ailleurs, le taux d'abandon a été de 33% à 50% lors des précédentes éditions (et sera d'au moins 60% cette année).

L'édition 2008-2009


Vendée Globe
Crédit : Jean-Marie Liot/DPPI/Vendée Globe
Cette 6ème édition est caractérisée d'une part par le plateau impressionant au départ : 30 concurrents (soit 50% de plus que la précédente édition de 2004) dont la plupart des marins les plus réputés, d'autre part par des conditions météo particulièrement mauvaises (dont une première tempête inattendue dès le départ, entraînant déjà 4 abandons au bout de 4 jours...), en particulier dans l'océan Indien (qui a fait au moins 5 "victimes").

Deux évènements ont été plus médiatisés que les autres : la blessure de Yann Elies (18/12) et le chavirage de Jean Le Cam (06/01). Mais à cette date (12/01), ce sont déjà 18 participants qui ont quitté la course !! tongue
Et ce n'est peut-être pas fini, certains se trouvent encore dans le Pacifique..

A une vingtaine de jours de l'arrivée, on voit mal ce qui pourrait empêcher Michel Desjoyeaux de remporter pour la 2ème fois ce Vendée Globe (sans problèmes techniques évidemment). Son avance de 250 milles sur Roland Jourdain n'est pas encore décisive (il reste un peu plus de 5000 milles à parcourir), mais il domine réellement la course depuis 3 semaines. Derrière, Armel Le Cléac´h est à plus de 700 milles du leader mais a également 1000 milles d'avance sur le suivant : la 3ème place est pour lui.
Le reste de la flotte est étalée sur plus de 6000 milles (!), les derniers viennent à peine de passer la Nouvelle-Zélande et ont donc pratiquement un océan de retard (le Pacifique) !!
Mais pour tous ces concurrents qui ne sont pas dans la même catégorie que les leaders, l'objectif premier reste de finir la course, pas le classement.

Pour suivre pas à pas l'évolution de la course (et les messages quotidiens de tous les marins engagés), le mieux est de consulter le site officiel, particulièrement complet et bien réalisé, et en particulier la page des classements et celle de la cartographie (accessible depuis le site).

PS : en marge de la course réelle, on notera le succès phénoménal du jeu Virtual Regatta, qui permet de disputer une course "virtuelle" sur Internet, sur le même parcours et avec la même météo que les "vrais" : 277000 navigateurs "virtuels" sont actuellement engagés !

Samantha Davies : l'autre "petite anglaise"


Lorsque j'ai commencé à suivre quotidiennement la course sur le site officiel (fin novembre - début décembre, j'ai "loupé" les 3 premières semaines), lisant tous les communiqués et articles, j'ai très rapidement été atiré par certains messages qui sortaient du lot : ceux de Samantha Davies roll.

N'étant pas trop familier avec le milieu de la voile, ce nom m'était inconnu (contrairement à d'autres comme Desjoyeaux, Jourdain, Riou ou Peyron). Mais en fait, à 34 ans, la jeune britannique a déjà à son actif de nombreuses courses à la voile, en solitaire ou en équipage : 2 transats AG2R, 2 transats Jacques Vabre, 3 Solitaire du Figaro, 1 tentative de Trophée Jules Verne, sans compter les deux transats auxquelles elle a participé ces deux dernières années afin de se préparer à ce Vendée Globe (et de faire évoluer son bateau déjà ancien).
N'ayant pas obtenu les victoires (ou secondes places) de prestige de sa compatriote Ellen Mc Arthur, elle a forcément été beaucoup moins médiatisée.

Samantha Davies
Crédit : Samantha Davies/Roxy/Vendée Globe
Ce Vendée Globe est sa première "grande" course en solitaire (les transats ci-dessus étant des traversées de l'Atlantique seulement).
Elle dispose d'un bateau déjà ancien (2000), forcément moins rapide, mais fiable : c'est en effet l'ancien "PRB", vainqueur des deux dernières éditions du Vendée Globe (avec Michel Desjoyeaux puis Vincent Riou) !
Ces deux dernières années, Samantha Davies s'est efforcée de "moderniser" un peu le bateau (renommé "Roxy", nouveau partenaire oblige) et de l'adapter à son mode de navigation.

Partant en position d'outsider (sans grande chance de victoire, au vu de certains bateaux beaucoup plus rapides, manoeuvrés qui plus est par des maîtres en la matière), son objectif est évidemment de boucler son premier tour du monde en solitaire, le classement étant secondaire (ce qui n'empêche pas de se battre éventuellement contre les concurrents les plus proches).

La vraie star de cette course


Début décembre, la navigatrice pointait en 15ème - 16ème position, déjà logiquement écartée de la course à la victoire, mais ses messages comportaient déjà ce qui allait faire d'elle une vedette, et probablement la grande révélation de cette course :

- une bonne humeur indéfectible..
- une réelle joie de naviguer dans cette course, s'émerveillant des rares levers ou couchers de soleil ou bien des visites d'albatros..
- un humour bien "british" : "Qu'est-ce qui vous manque le plus ? Ma salle de bain et mon chéri.. je ne sais pas dans quel ordre".
- une manière très personnelle et originale de gérer la solitude : elle n'hésite pas à parler à son bateau ("ma Roxy va bien.."), utilise souvent le "nous" ("hier, nous avons bien avancé, Roxy et moi"), elle a même donné des petits noms à ses voiles !
- un vrai fair-play et un grand respect des autres navigateurs : aujourd'hui, elle estime d'ailleurs que Vincent Riou (rappel: qui s'est arrêté au Cap Horn après une avarie dûe au sauvetage de Jean Le Cam) devrait être classé devant elle.
Et bien sûr, une touche féminine qui contraste particulièrement parmi tous ces baroudeurs barbus !! big_smile

Tout cela fait que l'on ne peut que s'attacher à cette "petite anglaise", d'autant que, la course évoluant et les abandons se multipliant, le regard amusé du début s'est progressivement mué en véritable admiration : car Samantha Davies a beau prendre un peu moins de risques que les leaders, elle a tout de même dû affronter les mêmes tempêtes et grains que les autres, et s'en est magnifiquement sortie !
Elle a certes eu la chance de ne pas rencontrer d'ofni (objet flottant non identifié) ou de baleine, et de ne pas avoir de casse majeure, mais a quand même effectué de nombreuses petites réparations et pris les bonnes décisions au bon moment pour éviter de se mettre en danger et pour ménager son bateau.

Du coup, elle est progressivement remonté au classement général, et du coup les médias commencent (seulement maintenant) à s'intéresser à elle : hier soir, elle est même passé au journal de 20h ! (vidéo où on la voit danser debout sur son bateau, la musique à fond, encore une image que l'on ne peut pas retrouver chez les autres concurrents..;)).
Elle est désormais classée 4ème (en fait, elle est virtuellement 5ème, à cause de la bonification accordée à Marc Guillemot pour le sauvetage de Yann Elies, et peut-être 6ème selon la décision du comité de course pour Vincent Riou). A près de 1800 milles du leader, et 1000 milles du 3ème, sa seule ambition est de ramener le bateau en bon état aux Sables-d'Olonne (il reste quand même toute la remontée de l'Atlantique et quelques pièges à éviter, même si les conditions de mer seront sans doute meilleures).

Sa joie énorme au passage du Cap Horn (une grande première pour elle) ce matin ne peut qu'inciter à croiser les doigts pour la suite et à l'encourager :
Go Samantha, Go !!!

Update : positions sur le vendée globe 2009


Sans surprise, Michel Desjoyeaux va remporter ce Vendée Globe 2009. Parti plus de 40 heures après tout le monde, il a réussi à remonter son retard, puis à prendre la tête de la flotte et ne l'a plus quitté depuis lors.
Echappant presque miraculeusement à tous les impondérables de la course, bénéficiant en plus à chaque fois de meilleures conditions météo que ses adversaires, il a pleinement su profiter d'une part de la performance de son bateau, d'autre part de son avance sur les autres (et de son expérience).

Même Roland Jourdain, le seul à pouvoir suivre le rythme effréné du leader, a fini par céder, la faute à pas de chance, depuis le passage du Cap Horn : un croisement malencontreux avec une baleine, puis des conditions météo peu favorables pour refaire son retard, enfin cette casse dûe au choc précité. Le moins que l'on puisse dire est que Neptune n'était décidemment pas avec Roland Jourdain cette année.
Il va néanmoins tenter de rallier l'arrivée, en remplaçant sa quille perdue par 8 tonnes d'eau dans ses ballasts, solution viable, tant qu'il ne se prend pas une rafale de travers un peu trop forte (risque de chavirage). En plus, même s'il n'en parle pas, il peut encore conserver sa seconde place au classement, le troisième étant pointé à environ 400 milles (ce sera serré quoi qu'il en soit).

Armel Le Cléac'h est assez tranquille quant à lui : il a 1000 milles d'avance sur son poursuivant direct, et sait que s'il revient suffisamment sur un Roland Jourdain affaibli, il obtiendra la seconde place (il me semble qu'il a une légère bonification, chose qui malheureusement n'apparait pas sur le site officiel : pourquoi ne pas proposer un lien lien "classement après calcul" qui tiendrait compte de ces bonifications... ?).

Derrière ces trois premiers nettement détachés, les choses ne sont pas jouées, du moins sur le plan "réel", c'est à dire sans tenir compte des bonifications. Samantha Davies et Marc Guillemot se battent à moins de 100 milles de distance pour avoir le privilège d'arriver 4ème aux Sables d'Olonne, notre merveilleuse Samantha est actuellement devant, mais elle sait que ce combat n'est que virtuel : avec les bonifications, Marc Guillemot sera finalement classé devant.
Ces deux-là doivent plutôt se méfier du retour de Brian Thomson, qui n'est plus qu'à 270 milles de Guillemot et a effectué une remontée de l'Atlantique Sud particulièrement impressionnante. Sa compatriote Dee Caffari, longtemps au contact avec lui, semble désormais marquer le pas et se contentera probablement de la 7ème place.
N'oublions pas que 2 marins n'ont pas encore passé le Cap Horn, et auront donc un océan de retard au moment de l'arrivée du premier.

Update : arrivée du vendée globe 2009


Au classement de 11h, Michel Desjoyeaux n'avait plus que 45 milles (sur plus de 25 000 parcourus) à faire...
Il devrait donc arriver dans l'après-midi... (à partir de 17h pour la marée haute).

Ces dernières 24h, il a semblé "gérer" son arrivée pour s'offrir le maximum de public à l'heure de l'arrivée (les estimations le voyaient plutôt arriver vers 6-8 heures). Sachant qu'il n'a pas d'adversaire et que le record sera de toute façon battu, on ne doit pas le lui reprocher.
Ce n'est pas le cas de son comportement et de ses commentaires, qui auront marqué les esprits : compétiteur avant tout (parti favori), sans jamais un mot pour les autres concurrents (sauf pour signaler qu'ils avaient tort et lui raison, ce qui était vrai en l'occurrence, mais bon...), tentant quelques mots d'humour qui tombaient lamentablement à plat, etc...

Je suis assez content de n'être pas le seul à avoir remarqué cette arrogance : ci-dessous le message de Marc Guillemot (actuel 5ème, virtuellement 4ème de la course) hier, les emphases sont de moi :
"Michel Desjoyeaux ? Mis à part quelques uns de ces commentaires, il a fait une course exceptionnelle, il a été très vite, il a fait un parcours prudent, avec beaucoup de sérénité, digne d'un grand champion, d'un grand marin. Donc c'est bien méritant pour lui, qu'il y arrive. Je l'ai trouvé un peu prétentieux par rapport aux autres concurrents, je ne sais pas s'il s'en est rendu compte ! Il a souvent fait des commentaires assez froids, assez radicaux. Par exemple, quand il est revenu sur la flotte, il s'est presque demandé si on était « en croisière ». Je ne sais pas s'il se rend compte, mais ça peut être mal perçu par les gens qui sont en train de se battre comme lui.".

Il est clair que je ne m'associerai pas à l'effervescence médiatiaque de cete après-midi (même si je reconnais sans problème la performance sportive et technique).

Je préfère continuer à vibrer pour ma "merveilleuse / magnifique / étonnante / époustouflante" Samantha Davies, qui a encore environ 10 jours de course, et qui en début de semaine, alors qu'elle subissait un fort ralentissement, nous gratifiait malgré tout (encore) d'un savoureux message :
"je me suis fait surprendre par un petit oiseau noir qui était posé sur la casquette du bateau à un mètre de moi. Je l'ai regardé et il me regardait… Puis il a fait un énorme bruit qui m'a fait un peu peur, car normalement les oiseaux qui montent à bord sont plutôt timides et toujours très polis. Donc j'ai à mon tour fait un cri rauque, ce qui l'a fait un peu battre des ailes (j'étais aussi en train de remuer les bras) mais il est resté immobile, il continuait de me fixer, comme s'il voulait me dire « retourne bosser et arrête de m’observer ». C'est ce que j'ai fait ! Mais je n'ai pas pu m'empêcher de lui mettre un gros faisceau de ma lampe torche dans les yeux, juste pour lui montrer qui est vraiment le chef ici !!!!".

Go Samantha, go...

Update (14/02/09) : arrivée de Samantha Davies


La suite sur cet article : Vendée Globe 2008-2009 : Samantha Davies troisième à l'arrivée